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Marcel L'HERBIER

(1888-1979)
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Né à Paris, Marcel L’Herbier fait ses études au collège Stanislas, puis à la Faculté de Droit et à la Sorbonne. Jeune diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes Sociales et licencié en Droit, il s’oriente d’abord vers la littérature et la poésie. Il se passionne pour Wilde, Villiers de L’Isle-Adam, Nietzsche, Barrès. Son étrange premier livre, "…Au jardin des jeux secrets", est publié en 1914.

En 1917 paraît une pièce de théâtre : "L’Enfantement du mort, miracle en pourpre, noir et or", révolte esthétisée contre la guerre. Elle sera créée en 1919 au Théâtre Edouard VII, dans la mise en scène de l’auteur, par Art et Action (théâtre libre d’Edouard Autant et Louise Lara, parents du cinéaste Claude Autant-Lara), avec notamment Eve Francis, grande tragédienne, égérie de Paul Claudel. L’Herbier est également mélomane ; admirant par dessus tout Debussy, il compose lui-même plusieurs mélodies.

Marcel L'Herbier (1924)

C’est au Service Cinématographique de l’Armée, où il est affecté pendant la guerre, qu’il reçoit le choc du cinéma, en visionnant les terribles images ramenées du front. Il écrit alors plusieurs scénarios, avant de se lancer dans la réalisation en 1918 avec Phantasmes, film inachevé pour raisons militaires. Quelques mois plus tard, il tourne Rose-France, étrange collage symboliste, film-poème excessif et troublant. Il y expérimente déjà de nombreux truquages à la caméra et y consacre le jeune acteur Jaque Catelain, véritable Dorian Gray à l’expressive beauté dont la présence marquera presque tous ses films muets. Sa maîtrise de l’image animée lui vaut un contrat de deux ans chez Gaumont. Les années vingt seront sa période créatrice la plus fascinante. De ses treize longs métrages muets, aucun ne reprend le thème ou la structure du précédent.

Les films Gaumont-Série Pax, de 1919 à 1922, amorcent son exploration exaltée des infinis moyens d’expression du cinéma. Drames (Le Bercail, 1919, d’après Henry Bernstein, où débute une jeune fille de dix-huit ans, à la grâce à la fois fragile et volontaire : Marcelle Pradot, future épouse de Marcel L’Herbier et interprète de nombre de ses films muets, que Louis Delluc sacrera "Infante du cinéma français" ; Le Carnaval des Vérités, 1919, fascinant jeu de masques ; L’Homme du large, 1920, prenante "marine" inspirée de Balzac ; El Dorado, 1921, mélodrame épuré ayant pour cadre la flamboyante Andalousie, et notamment la féerique Alhambra de Grenade), pastiche de comédie (Villa Destin, 1920, parodie de serial américain avec faux mage, pure ingénue, détectives, bandits, et clin d’œil à Oscar Wilde), évocation historique et fantastique (Don Juan et Faust, 1922, œuvre étrange mêlant cubisme ultra-moderne et réminiscences des grands peintres espagnols, tournée en Espagne) ; les scénarios répondent aux critères commerciaux du temps. Cependant, ils échappent souvent aux conventions par l’interprétation (la tragédienne Suzanne Després dans Le Carnaval des vérités, 1919, Eve Francis dans El Dorado, 1921) et le traitement subjectif du sujet. L’Herbier, jeune cinéaste idéaliste au même titre que Louis Delluc ou Germaine Dulac, contribue à construire le langage filmique moderne de la manière peut-être la plus envoûtante. En 1920, L’Homme du large frappe journalistes et spectateurs par la force d’évocation poétique de ses images. L’année suivante, El Dorado est un triomphe.

Einar Norsen (Jaque Catelain) et Claire Lescot (Georgette Leblanc) dans un décor de Fernand Léger conçu pour l’Inhumaine
Le banquier Nicolas Saccard (Pierre Alcover) et la baronne Sandorf (Brigitte Helm) dans l’Argent.

En 1922, Marcel L’Herbier fonde sa propre société de production, Cinégraphic. C’est un laboratoire généralement "fauché" mais qui réussit à produire les premiers films de jeunes artistes : Jaque Catelain (Le Marchand de plaisirs, 1922 ; La Galerie des monstres, 1924, où l’on reconnaît Kiki de Montparnasse), Claude Autant-Lara (Fait divers, 1924, court métrage expérimental interprété par l’incandescent Antonin Artaud), Jean Dréville (Autour de "L’Argent", 1928, extraordinaire document sur le tournage d’un grand film à la fin du muet). Il permet aussi à Louis Delluc, malade, de réaliser son dernier film, L’Inondation (1924). L’Herbier lui-même tourne alors L’Inhumaine, ambitieux projet d’avant-garde réunissant d’illustres collaborateurs : Alberto Cavalcanti, Claude Autant-Lara, Robert Mallet-Stevens, Fernand Léger pour les décors, Darius Milhaud pour la musique, Paul Poiret pour les costumes… La frénétique séquence de montage court, ou les sons répondent aux couleurs violentes (simples taches de couleurs primaires insérées dans la pellicule), est une symphonie machiniste tendant vers le cinéma pur. Après le lyrisme plus narratif de Feu Mathias Pascal (1925, adapté de Pirandello), où brûle le grand Ivan Mosjoukine, L’Herbier renoue avec le drame Art-déco. Les décors du Vertige (1926), intrigante variation plastique et visuelle, sont de nouveau dus à Mallet-Stevens et Pierre Chareau, entourés de nombreux autres artistes tels Robert et Sonia Delaunay, Jean Lurçat, Marie Laurencin. L’année suivante, Le Diable au cœur, tourné en grande partie à Honfleur, poursuit la symbolique de l’eau chère à l’auteur. Le travail sur la nouvelle pellicule panchromatique magnifie les côtes normandes par sa luminosité surréelle.

Chant du cygne de l’art muet, L’Argent, d’après Zola (1928), est la synthèse de dix années de recherches ferventes. Film-phare de la modernité, hymne démesuré à la musique de la lumière, tout n’y est que rythme, mouvement, spirale hallucinante des manipulations financières. Le sujet est aujourd’hui encore d’une éclatante actualité.

Pour son premier film parlant, L’Enfant de l’amour (1929-30), Marcel L’Herbier réussit de véritables prouesses techniques malgré la lourdeur de l’appareillage sonore. Mais le coût de production des longs métrages a considérablement augmenté, et la tentation du (lucratif) théâtre filmé, "parlant et chantant", sonne le glas de beaucoup de recherches d’avant-garde. Jusqu’en 1953, L’Herbier ne cessera pourtant de travailler, tournant énormément et dans des genres très différents.

Il réussit nombre de films remarquables, qui développent souvent son thème de prédilection, celui de l’illusion, de la "comédie de la vie" : l’étonnant Parfum de la dame en noir (1931) aux monumentaux décors stylisés, directement issus de l’esthétique du muet, mais qui utilise les possibilités du son pour parfaire la mystification imaginée par Gaston Leroux ; Le Bonheur (1934), flamboyant mélodrame servi par une distribution de choix (Gaby Morlay, Charles Boyer, Michel Simon, Jaque Catelain) ; Nuits de Feu (1937), d’après "Le Cadavre vivant" de Tolstoï ; La Citadelle du silence (1937), drame aux échos alors très contemporains où rayonne l’attachante Annabella ; La Tragédie impériale ou la fin de Raspoutine (1938), dominée par le monstre sacré Harry Baur, puis Adrienne Lecouvreur (1938) et Entente cordiale (1939), dans une série baptisée par L’Herbier "chroniques filmées" – ce dernier film visant à un rapprochement franco-britannique face à la menace hitlérienne ; La Comédie du bonheur (1940), film rare et inspiré, œuvre sur-réaliste dans laquelle Michel Simon tente de faire le bonheur de ses semblables, interprétés par Micheline Presle, Ramon Novarro, Louis Jourdan, Jacqueline Delubac ; La Nuit fantastique (1942), insolite rêve éveillé ; La Vie de Bohème (1943), où Puccini rejoint Murger  ; L’Honorable Catherine (1943), comédie loufoque, avec une Edwige Feuillère surprenante, à contre-emploi ; L’Affaire du collier de la Reine (1946), "chronique filmée" vive et divertissante, bénéficiant de la savoureuse interprétation de Viviane Romance…

Marcelle Chantal dans La Tragédie Impériale.

En 1933, L’Herbier fait débuter à l’écran, dans L’Epervier, la princesse Nathalie Paley, fascinant personnage à l’énigmatique beauté. Il la retrouvera pour Les Hommes Nouveaux en 1936, avant qu’elle parte tenter sa chance à Hollywood…

Dès les années dix, Marcel L’Herbier écrivait articles et pamphlets s’interrogeant sur la nature profonde du cinéma, revendiquant son statut hybride et novateur, défendant l’existence d’un cinéma français dynamique et inventif. Cette activité restera intimement liée à sa pratique de cinéaste. Il se battra pour la reconnaissance du statut d’auteur de film (bien avant la Nouvelle Vague !) et des métiers du cinéma ; en 1937, il est co-fondateur du Syndicat CGT des Techniciens.

En 1943-44, c’est lui encore qui crée l’IDHEC, cette école aujourd’hui mythique, qu’il présidera pendant vingt-cinq ans. L’IDHEC a formé de très nombreux jeunes cinéastes venus du monde entier, parmi lesquels Alain Resnais, Louis Malle, Costa-Gavras, Claude Sautet, Patrice Leconte, etc…

Après la guerre, il présidera l’important Comité de Défense du Cinéma français.

Défenseur du cinéma, Marcel L’Herbier le fut aussi en publiant en 1946 "Intelligence du cinématographe", anthologie de textes souvent introuvables. En 1953, il a ouvert la chronique cinéma du "Monde" ; pour de nombreux journaux et périodiques, il a écrit plus de 500 articles, de 1913 (compte-rendu de Faust des Ballets Loïe Fuller, dans "L’Illustration") aux années soixante-dix.

Enfin, au début des années cinquante, il sera l’un des pionniers de la toute jeune télévision. Il sera en effet l’un des premiers cinéastes à produire (de 1952 à 1961) des émissions culturelles à la Télévision Française (220 émissions dans le double but de faire connaître les films classiques et de créer à la télévision un langage nouveau). Dans cet esprit, il fait une adaptation de La Princesse de Clèves et réalisa Adrienne Mesurat de Julien Green, Zamore de Georges Neveux, Les Fausses confidences (avec Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault), Le Ciel de lit de Colette. En outre, il produira des séries à la Télévision Suisse et à Télé Luxembourg.

Autres fonctions professionnelles de Marcel L’Herbier : président, puis président d’honneur de l’Association des Auteurs de Films (AAF), secrétaire général puis président du Syndicat des Techniciens de la Production Cinématographique (1937-1945), président du Comité des Programmes de Télévision (1958-1961), délégué au Conseil Supérieur de la Radio Télévision Française.

Au terme de sa longue carrière, Marcel L’Herbier mit en scène ses souvenirs, parus sous le titre "La Tête qui tourne" (Ed. Belfond) en 1978, un an avant sa mort.

Marcel L’Herbier aura ainsi voué sa vie à l’art des images mouvantes, au cinématographe, ce "nouvel âge de l’humanité".

Marcel L'HERBIER
la filmographie

Scénarios

  • Le Torrent, réalisé par Louis Mercanton et René Hervil, 1917 - Production : Eclipse
  • Bouclette (L'Ange de minuit), réalisé par Mercanton et Hervil, 1917

Réalisation 

Films muets :

  • El Dorado (1921)
    Le vertige (1926)
    Phantasmes, 1918
  • Rose- France, 1918
  • Le Bercail, 1919
  • Le Carnaval des vérités, 1920
  • L'Homme du large, 1920
  • Villa Destin, 1920
  • Prométhée…banquier, 1921 - Moyen métrage
  • El Dorado, 1921
  • Don Juan et Faust, 1922
  • Résurrection, 1922 - Film inachevé
  • L'Inhumaine, 1923 24
  • Feu Mathias Pascal, 1925
  • Le Vertige, 1926
  • Le Diable au cœur, 1927
  • Nuits de Princes, 1928-29
  • L'Argent, 1928

Films parlants :

  • L'Enfant de l'amour, 1929-1930
  • Le Mystère de la chambre jaune, 1930
  • Le Parfum de la dame en noir, 1931
  • L'Epervier, 1933
  • Le Scandale, 1934
  • L'Aventurier, 1934
  • Le Bonheur, 1934
  • La Route impériale, 1935
  • Veille d'armes, 1935
  • Les Hommes nouveaux, 1936
  • La Porte du large, 1936
  • Nuits de feu, 1936
  • La Citadelle du silence, 1937
  • Forfaiture, 1937
  • La Tragédie impériale, 1938
  • Adrienne Lecouvreur, 1938
  • Terre de feu, 1938
  • La Brigade sauvage, 1938
  • Children's corner, 1938 - Court-métrage, "Cinéphonie" sur la musique de Debussy
  • Entente cordiale, 1939
  • L'honorable Catherine (1942)
    La Mode rêvée, 1939 - Court-métrage
  • La Comédie du bonheur, 1940
  • Histoire de rire, 1941
  • La Nuit fantastique, 1942
  • L'Honorable Catherine, 1942
  • La Vie de bohème, 1943
  • Au petit bonheur, 1945
  • L'Affaire du collier de la Reine, 1946
  • La Révoltée, 1947
  • Les Derniers jours de Pompéï, 1948
  • Le Père de Mademoiselle, 1953

Films de télévision :

  • Adrienne Mesurat, 1953
  • Zamore, 1954
  • Le Jeu de l'amour et du hasard, 1954
  • Les Fausses confidences, 1955
  • Le Ciel de lit, 1955

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